Relais d’Entreprises, acteur incontournable de la non-mobilité, a depuis 2014 amorcé la constitution d’un réseau national de tiers-lieux affiliés localisés en milieux rural et périurbain. Dans le même temps, son bureau d’études « Etudes et Expertises » accompagne collectivités territoriales et porteurs de projets privés dans le développement de leurs espaces de travail partagé en menant des études de faisabilité et d’analyse du besoin. Aujourd’hui, Relais d’Entreprises assiste les structures, publiques comme privées, à la mise en place du télétravail, convaincu que le travail à distance est une des clés de la non-mobilité. Le télétravail est d’ailleurs une pratique de plus en plus courante en France et les salariés qui en bénéficient télétravaillent majoritairement à domicile. Depuis peu, le télétravail s’effectue aussi dans des tiers-lieux.

Distincts du domicile et des locaux de l’employeur, ces espaces de travail partagé appelés aussi coworking, télécentres…, limitent les déplacements pendulaires contraints tout en favorisant les rencontres et les échanges.

Persuadé que le télétravail en tiers-lieux a de très beaux jours devant lui compte tenu des multiples inconvénients que peut présenter le domicile, Relais d’Entreprises a souhaité faire un état des lieux de cette pratique en France en lançant en novembre 2019 une grande enquête nationale sur la valeur ajoutée de télétravailler hors du domicile. En collaboration avec le laboratoire de recherches du LISST-CIEU de l’Université Jean-Jaurès à Toulouse et le CNRS, cette enquête s’est tenue sur une période de 4 mois et s’est donc achevée fin février 2020, peu avant la crise du COVID-19.

 
Valeur ajoutée d’un tiers-lieu (vision des managers et RH) Edition 2020
Valeur ajoutée d’un tiers-lieu (vision des télétravailleurs salariés) Edition 2020
Objectif de l’enquête

L’enquête menée par Relais d’Entreprises avait pour principalement objectif de déterminer quelle était la valeur ajoutée d’un tiers-lieu au regard des télétravailleurs salariés fréquentant un tiers-lieu, ainsi que des responsables Ressources Humaines et managers ayant autorisé la pratique du télétravail à leurs salariés à domicile ou en tiers-lieu.

Concernant les télétravailleurs salariés utilisateurs de tiers-lieux, l’enquête visait dans un premier temps à identifier quels types de profils de salariés se rendaient dans ces espaces, comment se caractériser leurs mobilités pendulaires, quelles étaient les conditions de mise en oeuvre du télétravail par leur hiérarchie, ainsi que les motifs et conditions d’utilisation d’un tiers-lieu. Dans un deuxième temps, l’enquête devait permettre de repérer les potentiels changements observés par les télétravailleurs salariés depuis qu’ils se rendaient dans un tiers-lieu, en termes de qualité de vie au travail ou encore dans leur vie quotidienne. Ces changements pouvaient s’observer à la suite ou non d’une pratique du télétravail à domicile en amont distinguant ainsi les anciens télétravailleurs du domicile et les nouveaux télétravailleurs.

En parallèle, les responsables Ressources Humaines et managers ont été interrogés dans le but d’identifier les différents types de profils d’entreprises ayant mis en place le télétravail. L’enquête visait à connaître spécifiquement les freins et les intérêts au développement du télétravail à distance avancés par les entreprises, qu’il soit pratiqué dans un tiers-lieu ou à domicile.

Méthode et échantillon

Cette enquête s’est appuyée sur deux questionnaires mis en ligne : l’un à destination des télétravailleurs salariés pratiquant le télétravail dans un tiers-lieu et l’autre à destination des responsables Ressources Humaines et managers ayant développé le télétravail pour leurs salariés.

Ces deux questionnaires se composaient à la fois de questions ouvertes où le répondant pouvait s’exprimer librement et de questions fermées avec plusieurs propositions de choix de réponses, graduées ou non.

Le questionnaire a été diffusé principalement sur les réseaux sociaux. Une campagne de communication a été menée via le réseau LinkedIn ciblant spécifiquement les deux publics cibles (salariés, responsables RH/managers). L’enquête a également été relayée par les tiers-lieux affiliés au réseau Relais d’Entreprises, mais aussi par publipostage électronique au travers de diverses bases de données appartenant au réseau de contacts Relais d’Entreprises.

Aux termes des 4 mois de mise en ligne, le questionnaire a recensé 128 répondants : 79 télétravailleurs salariés, et 49 responsables RH/managers dont les deux tiers représentent une structure appartenant au secteur tertiaire. La moitié de ces structures sont localisées dans le département de la Haute-Garonne.

Profils des télétravailleurs salariés

La répartition par sexe nous apprend que les hommes sont 11% de plus à avoir répondu au questionnaire: ils représentent 55,5% des répondants alors que les femmes sont 44,5%. Le sexe n’est pas un facteur discriminant. Par ailleurs, plus de la moitié des répondants se situent dans la tranche d’âges des 50-64 ans alors que les 16-29 ans représentent seulement 5,5%. Enfin, la moitié des répondants sont en couple avec enfant(s). Les célibataires sans enfant constituent plus de 16% des répondants.

On peut en conclure que le profil type d’un télétravailleur dans un tiers-lieu serait un homme ou une femme âgé(e) entre 50-64 ans se déclarant en couple avec enfant(s).

Des mobilités pendulaires hétérogènes où l’utilisation de la voiture prédomine

Plus de 55% des répondants mettent 30 minutes et plus pour rejoindre leur lieu de travail dont la moitié mettent plus d’une heure. A l’inverse, plus de 27% des salariés mettent moins de 15 minutes pour se rendre sur leur lieu de travail. Autrement dit, pour plus de la moitié des répondants, les temps de déplacements domicile-travail sont longs, justifiant en partie la pratique du télétravail.

En termes de distance, un peu plus d’un tiers des répondants parcourent plus de 30 kilomètres dont 66,4% résident à plus de 50 kilomètres de leur lieu de travail. En parallèle, plus de 27% des répondants parcourent entre 10 et 30 kilomètres alors que 22,2% sont à moins de 5 kilomètres. Les temps de déplacements des salariés sont légèrement plus longs des distances parcourues et dépendent du mode de transport utilisé. Effectivement, plus de 66% des répondants utilisent la voiture pour rejoindre leur lieu de travail. Par conséquent leur temps de déplacement pourra varier selon le trafic aux heures de pointe.

Pour plus de la moitié des répondants, leur territoire de résidence se situe en milieu urbain et/ou métropolitain. A l’inverse, plus de 33% des répondants résident sur un territoire rural ou périurbain et un peu plus de 11% habitent dans un département autre que celui où se situe leur lieu de travail.

A en croire les données, une plus grande proportion d’urbains pratiquent le télétravail. Autrement dit, le profil de territoire de résidence ne serait pas significatif dans l’usage du télétravail mais bien les temps de déplacements domicile-travail prolongés des salariés.

On observe par ailleurs, que 28,5% des télétravailleurs qui se rendaient en voiture sur leur lieu de travail ont recours désormais aux mobilités douces pour rejoindre leur tiers-lieu.

Conditions de mise en oeuvre du télétravail dans un tiers-lieu

Parmi les télétravailleurs salariés fréquentant un tiers-lieu, 47% d’entre eux pratiquaient auparavant le télétravail à domicile, contre 53% non. Le télétravail au domicile n’est donc pas une condition pour télétravailler par la suite dans un tiers-lieu.

Télétravailler depuis un tiers-lieu est une démarche proposée en majorité par le salarié lui-même : 88,8% des anciens télétravailleurs du domicile ont proposé à leur employeur de pratiqué le télétravail depuis un tiers-lieu et 63,6% des nouveaux télétravailleurs ont souhaité directement se rendre dans un tiers-lieu. Ces chiffres viennent confirmer que les structures (publiques ou privées) ont tendance à privilégier le domicile comme lieu de télétravail. Effectivement, en interrogeant les responsables RH/managers, 77,7% d’entre eux affirment favoriser le télétravail depuis le domicile des salariés. Par ailleurs, ces mêmes responsables RH/managers sont 73% à justifier l’utilisation d’un tiers-lieu à partir de 3 jours de télétravail par semaine.

Le télétravail depuis un tiers-lieu est une pratique récente pour les répondants puisque 66,6% des anciens télétravailleurs du domicile télétravaillent depuis moins d’un an dans un tiers-lieu tout comme 72,7% des nouveaux télétravailleurs. Cette pratique n’a d’ailleurs pas de lien avec l’année de mise en place du télétravail. On aurait pu supposer que plus le télétravail a été développé tôt au sein d’une structure, plus cette dernière serait précurseur pour autoriser cette pratique dans des tiers-lieux. Or, parmi les responsables RH/managers interrogés, 81,4% appartiennent à structure ayant mis en place le télétravail entre 2010 et 2020.

Plusieurs éléments ont poussé les anciens télétravailleurs du domicile et les nouveaux télétravailleurs à se rendre dans un tiers-lieu : mieux distinguer vies professionnelle et personnelle obtient le plus de répondants parmi les deux publics cibles avec respectivement 77,7% et 81,8% d’entre eux. En effet, le télétravail à domicile n’est pas facile à combiner avec sa vie de famille, particulièrement quand les enfants sont à la maison, tout comme il peut entrainer une surcharge de travail liée à l’absence de déconnexion de la part du salarié.

Le deuxième élément qui obtient le plus de répondants parmi les deux types de télétravailleurs est le fait de pouvoir bénéficier d’une meilleure connexion Internet dans un tiers-lieu : 77,7% des anciens télétravailleurs du domicile et 72,7% des nouveaux télétravailleurs. Ces données démontrent que les salariés ne sont pas tous égaux devant l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication. A ce sujet, 38% des responsables RH/managers privilégiant le télétravail à domicile estiment qu’une connexion Internet insuffisante est un frein à la pratique du télétravail à domicile.

Le sentiment d’isolement au domicile peut être prégnant pour certains salariés en télétravail : 66,6% des anciens télétravailleurs du domicile et 63,6% des nouveaux télétravailleurs affirment utiliser un tiers-lieu dans le but de se sentir moins seul. A ce sujet, 63,6% des nouveaux télétravailleurs déclarent choisir de télétravailler depuis un tiers-lieu pour bénéficier des animations qui y sont proposées.

Enfin, un des éléments, et pas des moindre, ayant poussé les anciens télétravailleurs du domicile à fréquenter un tiers-lieu est la prise en charge, en partie ou en totalité, de leur poste de travail par leur employeur pour 66,6% d’entre eux.

Motifs et conditions d’utilisation d’un tiers-lieu

Tous les anciens télétravailleurs du domicile interrogés se rendent 2 jours par semaine dans un tiers-lieu pour télétravailler. Ces deux jours sont fixes pour plus de 66% d’entre eux. Un tiers des répondants prennent en charge eux-mêmes le coût de la location de leur poste de travail alors que pour un autre tiers, il s’agit de leur employeur. Pour le dernier tiers restant, salariés et employeurs prennent en charge conjointement le coût de cette location. A noter que pour 52,4% des responsables RH/managers privilégiant le domicile comme lieu de télétravail estiment que la prise en charge du loyer est un frein à la pratique du télétravail dans un tiers-lieu alors que 100% des anciens télétravailleurs du domicile sont convaincus que la plus-value du tiers-lieu justifie le prix de la location.

En revanche, parmi les nouveaux télétravailleurs la fréquence d’utilisation d’un tiers-lieu est très variable : de manière occasionnelle à 3 jours de télétravail par semaine. Pour plus de 55% d’entre eux, leurs jours de télétravail en tiers-lieu sont flottants. L’utilisation d’un tiers-lieu pour télétravailler serait plus flexible pour les nouveaux télétravailleurs. En outre, pour plus de la moitié de ces nouveaux télétravailleurs (55,5%), c’est leur employeur qui prend en charge le coût de la location de leur poste de travail. Seulement un tiers d’entre eux estiment que la plus-value du tiers-lieu justifie le prix de la location.

D’un point de vue confidentialité, tranquillité et sécurisation des données, on aurait pu supposer que le bureau individuel fermé soit essentiellement utilisé par les télétravailleurs salariés. Or, une plus grande proportion d’anciens télétravailleurs du domicile (66,6%) et de nouveaux télétravailleurs (77,7%) disposent d’un poste de travail en Open Space lorsqu’ils se rendent dans un tiers-lieu. Ce constat pourrait en partie s’expliquer avec le fait que tous les tiers-lieux ne disposeraient pas de bureaux individuels fermés mais aussi parce que le coût d’un poste de travail en Open Space serait moins élevé.

Qualité de vie au travail : des changements perceptibles pour les télétravailleurs

100% des anciens télétravailleurs du domicile ont observé des changements dans leur rapport au travail contre 62,5% des nouveaux télétravailleurs depuis qu’ils fréquentent un tiers-lieu. Parmi les changements observés, les salariés relatent une meilleure productivité et organisation personnelle. Effectivement, 57% des répondants télétravailleurs pensent mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle depuis qu’ils fréquentent un tiers-lieu. Par ailleurs, cette hausse d’efficacité dans le travail est pour 34% des responsables RH/managers qui privilégient le télétravail à domicile, une mesure qui peut être envisagée pour compenser le coût du loyer dans un tiers-lieu (à l’inverse, 34% des responsables RH/mangers qui privilégient le tiers-lieu comme lieu de télétravail, envisagent de réduire leurs surfaces de bureaux actuelles pour compenser ce coût).

Plus de 66% des anciens télétravailleurs du domicile n’ont pas observé de changement de comportement de la part de leur manager ou employeur depuis qu’ils se rendent dans un tiers-lieu. Ce constat est plus nuancé chez les nouveaux télétravailleurs puisque 37,5% d’entre eux ont observé un changement de comportement de la part de leur supérieur : ils se sentent mieux encadrés et suscitent moins de suspicions.

La moitié des nouveaux télétravailleurs se sentent moins stressés depuis qu’ils télétravaillent depuis un tiers-lieu. Ce pourcentage est largement supérieur (66,6%) chez les anciens télétravailleurs du domicile.

Pour plus de 60% des répondants, la présence d’autres utilisateurs dans le tiers-lieu est bénéfiques pour eux.

Vie quotidienne et implication locale

66,6% des anciens télétravailleurs du domicile et 75% des nouveaux télétravailleurs affirment prendre leur repas du midi au sein du tiers-lieu. Un tiers des anciens télétravailleurs du domicile tout comme 25% des nouveaux télétravailleurs se rendent également dans un restaurant à proximité du tiers-lieu.

Plus de 66% des anciens télétravailleurs du domicile font systématiquement leurs courses sur le territoire d’implantation du tiers-lieu contre 55% des nouveaux télétravailleurs qui les font de temps en temps.

Tous les anciens télétravailleurs du domicile utilisent de temps en temps les services et équipements présents sur le territoire du tiers-lieu tout comme la moitié des nouveaux télétravailleurs.

Synthèse et conclusion

Malgré un nombre de répondants insuffisant lié en grande partie au fait qu’il existe encore trop peu de télétravailleurs dans les tiers-lieux, ce questionnaire a le mérite d’apporter un éclairage sur cette nouvelle pratique et les nombreux avantages qui en découlent pour les salariés, leurs employeurs ainsi que pour les territoires. Il est sans nul doute qu’une fois la crise du COVID-19 passée et l’expérience du télétravail forcé au domicile, le développement massif du télétravail se fera dans ces nouveaux espaces de travail partagé, appelés communément tiers-lieux.

Il apparait donc que le télétravail dans un tiers-lieu n’est pas conditionné au préalable par une pratique au domicile du salarié.

Le télétravail dans un tiers-lieu est majoritairement proposé par les salariés eux-mêmes et dont l’usage est relativement récent (moins d’un an).

L’utilisation d’un tiers-lieu se justifie à partir de 3 jours par semaine une grande partie de structures privilégiant le domicile comme lieu de télétravail alors qu’il est de 2 jours par semaine pour les structures privilégiant le tiers-lieu comme le lieu de télétravail.

Mieux distinguer vies professionnelle et personnelle, disposer d’une meilleure connexion Internet, éviter l’isolement du domicile sont les principaux facteurs ayant poussé l’ensemble des télétravailleurs à se rendre dans un tiers-lieu. A noter que la prise en charge du poste de travail par l’employeur est également un facteur déterminant pour les anciens télétravailleurs du domicile alors qu’il est un frein pour plus de la moitié des responsables RH/managers interrogés.

Les jours de télétravail ne sont pas forcément fixes et peuvent varier d’un usager à un autre.

Le poste de travail en Open Space est la configuration la plus utilisée parmi les télétravailleurs salariés.

Le télétravail depuis un tiers-lieu est source de changements pour les télétravailleurs qui observent une meilleure productivité dans leur travail et un meilleur encadrement de la part de leur supérieur. Ils estiment mieux concilier vies professionnelle et personnelle.

Enfin, des changements plus timides sont à noter en ce qui concerne l’utilisation des services et commerces de proximité ainsi que l’utilisation de la voiture par les télétravailleurs fréquentant un tiers-lieu.

Lauren Baceiredo, doctorante CIFRE chez LISST-CIEU et Relais d’Entreprises